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Anthropolo... quoi ??

L'Anthropologie ne devrait pas être enseignée à l'Université...

27 Juin 2011 , Rédigé par anthropoloquoi Publié dans #France

… Du moins pas l’Université telle que nous la connaissons.

            Petit topo récapitulatif : l’anthropologie est une discipline née avec la colonisation, du temps où les « Blancs » cherchaient à comprendre les modes de vie et façons de penser des individus colonisés. Ces derniers vivaient dans des sociétés dont l’organisation sociale était radicalement différente de la plupart des sociétés occidentales, ce qui suscita un certain nombre de questions chez les colonisateurs.

            Pour autant, et aussi intéressante qu’elle puisse être, mon objectif n’est pas de dresser là un panorama historique de la discipline. A vrai dire, il s’agit plus d’une sorte de panorama de l’état actuel de la discipline, telle qu’elle est enseignée à l’université. C’est pourtant là qu’est toute la tristesse de l’anthropologie : elle n’est enseignée actuellement, telle qu’elle est connue, qu’à l’université.

            Je ne compte malheureusement pas dresser un panorama historique de l’Université non plus, qui serait pourtant tout aussi intéressant étant donné l’état actuel de l’Université, dans sa forme la plus institutionnelle. J’entends par là, étudier une ou plusieurs disciplines, enseignées par des professeurs diplômés et/ou reconnus, dans un endroit spatialement défini et limité. Ensuite, valider l’apprentissage de ces disciplines par un système préétabli de notation et de jugement, le tout permettant d’acquérir une formation, institutionnellement reconnue et validée.

 

            Revenons donc à l’anthropologie, à mon avis loin d’être la seule concernée, mais à coup sûr, celle dont je pourrais parler le mieux. Les anthropologues, des « psychologues de société » étudient aujourd’hui, l’organisation sociale, les structures sous-jacentes des sociétés qui font l’unité de l’être humain. C’est un long débat sur la discipline elle-même que je pose là, car il s’agit en fait, comme toute bonne psychologie qui se respecte, d’une discipline torturée, tiraillée. Torturée par son passé, sur lequel elle tente de se construire mais qu’elle essaie à la fois de déconstruire. Tiraillée dans son présent, dans lequel elle tente de se légitimer une place reconnue dans le système institutionnel, et à la fois de « déconstruire » ce même système institutionnel global, capitaliste, post-colonialiste, et autres gros mots, dans lequel elle évolue et se fraye une place. Sans entrer dans une « psychologie de comptoir » sur les anthropologues, l’idée est qu’au final s’installe une sorte de schizophrénie chez les anthropologues universitaires, comme aboutissant sur une distinction entre « anthropologie de terrain » et « anthropologie de bouquin ». C’est-à-dire que pour se légitimer et se construire en tant que discipline, l’anthropologie doit prouver sa « scientificité », avoir recours à un vocabulaire spécifique, fonctionner dans un système spécifique, qui au final l’éloigne de ce qui rend la discipline si singulière : la proximité avec les personnes.

 

            Loin de moi pourtant, l’idée de blâmer tous ces articles scientifiques, universitaires, qui ont construit la discipline. Cette question sur la « scientificité » de la discipline a elle aussi été objet de bien des débats entre anthropologues, archéologues, scientifiques, universitaires, sans lesquels, je l’avoue, je n’aurais pu construire ma réflexion non plus.

 

            Nous y voilà donc, au point que j’essaie de démontrer. L’Université évolue, notamment depuis quelques années : Autonomie des universités, réduction des budgets pour la recherche et l’éducation, « mort lente » des sciences humaines et sociales (entre autres), sont probablement des choses qui vous parlent. Une brèche qui s’ouvre, et plutôt que de regarder les évènements avec une mine atterrée, et un mouchoir à la main, peut-être faut-il y voir là une opportunité.

           

            Si le système institutionnel tel qu’il est ne veut plus de l’anthropologie, peut-être que, plutôt que de forcer les portes, et se travestir (pour en plus enfiler des habits trop serrés), faudrait-il voir là une opportunité pour l’anthropologie de revenir à ce de quoi elle est partie : la proximité avec les personnes.

 

            Plutôt que de chercher à se battre indéfiniment avec son passé, peut-être serait-il temps de l’assimiler, et s’en servir de base pour construire quelque chose de nouveau. L’anthropologie possède une grande richesse, c’est qu’elle est avant tout une leçon de tolérance : partir du quotidien de l’Autre, pour comprendre ce qui fait l’unité du genre humain. Un schéma qui, de nos jours, et vous en conviendrez, ne peut plus reposer uniquement sur un découpage spatial, régional. L’Autre habite aujourd’hui en face de chez nous, dans la banlieue d’à côté, ou la prison, l’hôpital, le lycée, l’entreprise, le palais, la rue, le métro, que l’on croit si bien connaître. Parallèlement, celui que l'on considère comme l’Autre "extrême", et qui habite à 9000 km d’ici, assis derrière son ordinateur, est en fait bien plus similaire qu’on ne peut le croire.

 

            Une fois de plus, loin de moi l’idée de faire la morale aux anthropologues, dont j’admire le travail, simplement proposer une alternative, devant le risque de voir l’anthropologie se dénaturer de ce qui fait toute sa richesse. Loin de moi aussi, l’idée de dire qu’il ne faut plus enseigner l’anthropologie, et bien au contraire. Simplement, il existe mille et une façons d’enseigner et de transmettre hors de l’Université. On l’a vu (enfin, moi oui en tout cas) lors des grèves, où les étudiants, professeurs, souvent en sciences humaines, faisaient soudainement preuve de créativité pour faire vivre leur discipline « hors des murs », de mille et une façons différentes : Débats, cours « hors les murs », manifestations, projections-débats, créations artistiques, et j’en passe, le tout, dans une étroite collaboration entre professeurs et étudiants, et dans une volonté de proximité avec les gens dans l’intention de les sensibiliser à une cause.

 

            Finalement, sortir des habits trop serrés et trop courts du système institutionnel, et parcourir les rues nue, ou légèrement, amplement, ou encore bizarrement vêtue, peut-être est-ce ça, finalement, l’avenir de l’anthropologie ?

 

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Egounleti Ludivine

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<br /> Nice piece :)<br /> <br /> <br />
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