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Anthropolo... quoi ??

Une ethnologie à partir du rituel

14 Février 2011 , Rédigé par anthropoloquoi Publié dans #France

Après tout, le nom du blog est "Anthropoloquoi???" et je n'ai toujours pas répondu clairement à la question. Je n'ai malheuresement toujours pas l'intention de donner une définition claire, mais à la place, et aussi pour montrer/rappeler que l'ethnologie n'est pas que l'étude des indiens-d-Amazonie-qui-se-peignent-le-visage-de-toutes-les-couleurs, j'ai décide de poster un petit devoir fait récemment [rire sadique]*. L'exercice était de décrire et analyser un rituel de notre aire régionale de travail. La mienne étant en France, et le devoir étant à faire pendant les vacances de Noel, j'ai décidé d'aborder les voeux annuels du président de la république. Une façon aussi de relativiser la politique française et de l'aborder sur le même plan que la politique chez les indiens-d-Amazonie-qui-se-peignent-le-visage-de-toutes-les-couleurs.**

 

* J'ai enlevé quelques passages, notamment les passages "lourds" qui vous intéressent pas forcément (comment ça mon devoir non plus?), mais si c'est le cas vous pouvez toujours me demander et je vous l'envoie en entier.

** Attention, c'est long...

 

Les vœux annuels de la Saint Sylvestre du président de la République française.

 

            Les vœux annuels du président de la république française du 31 décembre sont un rituel politique devenu important sous la Ve République. Il s’agit du moment de l’année où le président dresse une sorte de bilan politique annuel à l’intention de ses « compatriotes », comme annoncé au début du discours présidentiel. Ce rituel a la particularité d’être principalement et uniquement télévisé, c'est-à-dire qu’aucun public n’apparaît à ce moment là. Le président est seul face à ses auditeurs. Le discours présidentiel est diffusé tous les 31 décembre à 20 heures, heure du journal télévisé, simultanément sur les trois chaînes principales de télévision, et dure généralement entre 5 et 10minutes. L’intérêt de l’analyse de ce rituel se trouve dans le fait qu’il s’agisse d’un rituel annuel marquant la vie politique française et mettant en scène les symboles de la république. Il s’agit là d’une perspective intéressante pour aborder l’organisation politique de la société française, et notamment celle de la Ve République, accordant une importance particulière au chef de l’Etat.

 

I- Description du rituel

            Ce rituel est catégorisable comme tel du fait de nombreux éléments qui définissent « traditionnellement » des rites ou rituels : La temporalité, car il s’agit d’un rituel annuel, célébré tous les ans, le même jour à la même heure. Ce rituel a donc là un aspect traditionnel, par la répétition annuelle de cet acte, engageant l’ensemble d’une communauté, et mettant en scène de nombreux signes d’appartenance à cette communauté, en l’occurrence ici, les signes de la république. Traditionnel se définit donc ici comme un acte répétitif, et vecteur de transmission des éléments d’une culture donnée. Le rituel est organisé selon un ordre précis, et toujours dans le même lieu, le palais de l’Elysée. Ce rituel étant exclusivement retransmis à la télévision, on y retrouve alors l’aspect communicationnel, dans le sens où l’acte est destiné à une communauté désignée, mais ce point soulève également un aspect intéressant, celui de ce que l’on pourrait appeler un « rituel moderne » car l’instrument clé du rituel est la télévision.

            Le déroulement du rituel, tel qu’il fût le 31 décembre 2010, se passe donc ainsi : Dans un premier temps, apparaît à l’écran  le logo de l’Elysée, représenté par le faisceau du licteur[1], encadré des mentions « ELYSEE » et « Présidence de la République », le tout sur un fond de drapeau mouvant, bleu blanc, rouge. Sous le faisceau est également inscrite la devise « Liberté Egalité Fraternité ». Après cette première image, apparaît à l’écran le drapeau tricolore, toujours mouvant, mais en premier plan cette fois, et accompagné de l’hymne nationale, la Marseillaise, puis apparaît l’inscription « VŒUX DE MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE ». Après quelques notes de l’hymne nationale sur fond de drapeau français, apparaît le Chef de l’Etat. A sa droite, le drapeau français et le drapeau européen apparaissent côte à côté de sorte qu’ils ne semblent faire qu’un. En image de fond, le palais de l’Elysée, une série de drapeaux français à la fenêtre du milieu, et à gauche, un sapin de Noel : La vue est celle de la cour de l’Elysée. Le président se tient debout, fixant la caméra, et commence alors son discours. Ainsi, bien que les cadres soient toujours les mêmes d’années en années, beaucoup de choses changent. Alors qu’il s’agit toujours du chef d’Etat, souvent seul[2], présenté à la même heure, dans le palais présidentiel, sur les chaînes télévisées prévues pour ; la forme change, telle que l’image de fond, quasiment chaque année, et semble donner le ton, représenter le contexte dans lequel est prononcé le discours. Ainsi, depuis quelques années, le drapeau européen apparaît aux côtés du président.

 

II- Analyse du rituel

           

            Aspect fonctionnel. L’aspect purement fonctionnel de ce rituel est celui de rendre un bilan annuel de la politique française et du travail du Chef de l’Etat, par un discours usant d’un instrument de communication des plus courants dans cette société. L’allocution télévisée est rendue officielle par tous les symboles républicains évoqués au cours de l’intervention.

            Le discours même du président a pour objectif, sous la forme du bilan politique, de « rassurer » les citoyens, de les « convaincre » de la légitimité de la place qu’occupe le chef de l’Etat sur la durée qu’il lui reste. Il incarne à la fois la Ve République et les temps modernes en ce qu’il met en scène un président, généralement seul, également détenteur du pouvoir exécutif et incarnant en sa personne le gouvernement de l’Etat, comme l’indique sa fonction « Chef de l’Etat » et l’ensemble de citoyens, le plus possible d’entre eux, soit ceux possédant un appareil télévisé, par le moyen le plus « populaire » ou « démocratique ».

            Les deux derniers discours pour l’année 2010 et  2011 mettent en image la position du président par le champ lexical utilisé. En effet, dans le discours pour l’année 2011 revient souvient l’allusion d’un peuple uni, mais uni sous l’autorité présidentielle, par l’utilisation fréquente de la 3ème personne du pluriel. En utilisant des tournures telles que « votre courage, votre force », le chef de l’Etat se place ici comme observateur hors du groupe jugeant des actions du groupe en question. Cela renvoie à une figure d’autorité, autoritaire par sa position, son expertise, jugeant des accomplissements du groupe qu’il gouverne. Sont également rappelés les symboles de la nation unie, de la république et de ses valeurs par les termes « Identité », « valeurs », « nation » « biens communs » « peuple », utilisés à plusieurs reprises, et ceux de la bataille, tels que « courage », « force », « affronter » « sauver » également utilisés à plusieurs reprises, comme pour mettre en scène un chef de guerre donnant des recommandations à ses troupes pour l’avenir, par des termes également tels que « espérance » « fruits » « ouverture » « moderniser ». En effet, ces termes nous renvoient à l’image d’une personnalité, incarnant l’Etat, et tentant d’établir une unité au sein du groupe qu’il gouverne. Le discours pour l’année 2010 diffère en ce que cette fois, le président s’inclut dans le groupe de ses auditeurs, et utilise cette fois à maintes reprises la 1ère personne du pluriel. A une reprise est utilisée la 1ère personne du singulier « Je ne renonce pas à la difficulté » comme pour se placer en avant, à la position de celui qui prend les responsabilités et les initiatives. Cela peut également s’analyser comme une stratégie politique afin de « populariser » le discours et donner l’illusion d’une absence de hiérarchie dans le « combat » quotidien.

            La temporalité, par la date du rituel, symbolise l’achèvement d’une période, et un certain devoir du président de faire ainsi le bilan politique de cette période qui s’achève, dans un souci de communication étatique propre à notre société. A travers ce rituel, le président va tenter de convaincre ses interlocuteurs de sa légitimité à incarner, pour les temps à venir, le pouvoir intemporel du président de la Ve République, rappelant presque un pouvoir souverain.

 

[1]En 1913, le ministère des Affaires étrangères adopte pour les postes diplomatiques et consulaires à l'étranger un emblème inspiré d'un modèle figurant sur les gardes d'épée et les boutons d'uniforme diplomatique. Le dessin représente un faisceau de licteurs surmonté d'une hache et recouvert d'un bouclier sur lequel sont gravées les initiales RF (République française), des branches de chêne et d'olivier entourent le motif. Le chêne symbolise la justice, l'olivier la paix. (www.elysee.fr)

[2] 

Le président Valéry Giscard d’Estaing fût le premier et seul président à prononcer ses vœux en compagnie de la première dame de France en 1976.

 

 

 

Une ethnologie à partir du rituel
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